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Julien-François Jeannel : inventeur de la poste aérienne
Le Docteur Julien François JEANNEL (in Le Dr J. F. Jeannel, réalisateur de la première poste aérienne, J.M. Rouillard, P. Fauveau)
Metz assiégé«En Juillet 1870, Jeannel se retrouve à Metz, Chef du Service Pharmaceutique du quartier général de la Garde Impériale. C'est en tant que tel qu'il tiendra, à l'école d'instruction durant le siège, une conférence où il exposera ses théories sur l'hygiène des hôpitaux et la meilleure manière d'enrayer une épidémie. Le 29 Octobre 1870, après la capitulation, il est pharmacien en chef de la caserne du Génie. Le 4 Novembre 1870, Jeannel est devenu chef du Service Pharmaceutique des Hôpitaux de Metz ; ville qu'il est autorisé à quitter le trois décembre, en vertu de la Convention de Genève. Il terminera la campagne comme Pharmacien en chef de la 2ème armée de la Loire, avant d'être réaffecté à l'Hôpital Militaire Saint Martin à Paris, le 12 Mars 1871, à la veille de la Commune. (...)Mais il est temps de laisser maintenant la parole à Jeannel, lui-même : Il écrivit ce qui suit dans le « Feuilleton de l'Union Médicale n' 1 8, du ler Avril 1871 » : « Le premier Septembre 1870, je devisais avec le Docteur E. Papillon, Médecin aide-Major à l'ambulance de la Garde, esprit aventureux et frondeur, - vif et cultivé, grand porteur de nouvelles, polémiste à tout vent ; en somme, aimable et gai compagnon... Je ne conçois pas, me dit le Docteur Papillon, que l'on n'ait pas songé à envoyer des dépêches chiffrées, au moyen de quelques aérostats ; mais une grande ville comme Metz doit offrir des ressources industrielles de toutes sortes, ce serait à faire à vous, Monsieur Jeannel. Je répondis que l'on ne pouvait devenir aéronaute du jour au lendemain et notre conversation se détourna sur d'autres sujets ». Jeannel explique ensuite comment l'idée d'entrer en communication avec la France au moyen d'aérostats s'empara de son esprit, et rapidement il se mit à réfléchir aux moyens de réaliser ce projet. C'est durant la nuit qu'il ébaucha son programme ; il le soumit dès le lendemain matin, 2 Septembre, par écrit, au Général Jarras, Chef d'Etat-Major à l'Armée du Rhin. Le soir même, il recevait l'approbation du Maréchal Bazaine. Le Général Jarras mit à sa disposition un crédit de mille francs, pour procéder aux expériences nécessaires. Jeannel se mit à l'oeuvre immédiatement. Il s'adjoignit le Pharmacien Aide-Major Vidau. Tous deux travaillèrent dans les greniers de l'Hôpital Militaire du Fort Moselle, avec le concours d'un troisième Pharmacien Militaire, Monsieur Le Prieur. Après quelques essais infructueux, Jeannel put se présenter le 5 Septembre, au Maréchal à qui il expliqua qu'il avait « deux petits aérostats, tout prêts à partir, comme deux chevaux à l'écurie... » Bazaine, récusant le système pour l'acheminement de ses propres dépêches, l'autorisa à utiliser ses ballons pour la transmission des correspondances particulières des officiers de l'armée. Jeannel ajoute : « J'ai conclu que le Maréchal Bazaine ne goûtait pas mon système de communications aérostatiques - et ne le jugeait pas assez sûr pour sec dépêches. J'appris bientôt, sans beaucoup de surprise, que d'excellents confrères consultés par lui, sur le degré de confiance que méritait mon entreprise, lui avaient démontré que c'était absurde, que mes petits ballons n'étaient que des jouets d'enfants ; ils ne devaient pas aller au delà de trois ou quatre kilomètres et pouvaient tout au plus servir à livrer nos secrets aux prussiens ». Il est probable, comme le signale Monsieur Lutz, que les deux premiers ballons de Jeannel furent lancés le 6 Septembre. « Cette date marque les débuts modestes autant que fortuits de la poste aérienne dans le monde ». (Jacqueline Caurat). Quatorze ballons devaient être lancés par lui et ont transporté en tout 3 000 lettre sur papier pelure. Ces ballons transportaient la correspondance des officiers; et bien qu'aucune publicité n'ait été faite, ni en ville, ni dans l'armée, on confiait au Capitaine Marchand, Directeur des Postes, plus de courrier que Jeannel ne pouvait en envoyer. Sur quatorze ballons lancés par lui, sept au moins sont arrivés à bon port. Dans son article de l'Union Médicale, dans lequel figure un extrait du rapport adressé au Ministre de la Guerre, Jeannel propose de doter dorénavant les places fortes d'un système analogue : « Il est évident dit-il, que les ballons montés, pareils à ceux qui ont mis Paris assiégé en communication avec la France, coûtant fort chers, et exigeant l'habilité, l'expérience et de dévouement des aéronautes, ne peuvent être renouvelés qu'à de rares intervalles, tandis que les ballons perdus, de petite dimension, construits de manière à rester dans l'atmosphère pendant cinq ou six heures, pourraient être lancés en grand nombre, chaque jour. Ils seraient sans doute plus exposés à tomber entre les mains de l'ennemi que les ballons montés ; mais en somme, les dépêches qu'il serait dangereux de livrer à l'ennemi, pourraient être chiffrées, et les communications journalières se trouveraient assurées ». Plus loin, Jeannel explique comment la poste aérienne lui créa personnellement quelques embarras : « Une lettre que, j'avais adressée à l'un des membres de ma famille par voie aérostatique, en date du 9 Septembre, a été publiée dans les journaux. Dans cette lettre, j'appréciais à mon point de vue, le Maréchal Bazaine ; et faisais pressentir la catastrophe de Metz. Evidemment, si mon correspondant avait su que le moyen de communication dont je m'étais servi était dû à la libéralité du Chef d'Etat Major Général, il eût réfléchi au devoir imposé par la discipline militaire, et se fut abstenu de livrer ma lettre aux journaux. Mais, il crut faire oeuvre de bon citoyen, en jetant dans le public comme un cri d'alarme, qui devait, hélas, rester sans écho ". Voici cette lettre qui, à vrai dire, était quelque peu imprudente, puisque non chiffrée et que finalement nous ne savons pas si elle est parvenue à destination, après avoir été récupérée par les Prussiens ou les Français. Nous reproduisons également le commentaire qui accompagnait sa publication dans le Courrier de la Gironde du 28 Septembre 1870, article dont nous avons eu communication, grâce à l'amabilité de Madame Avisseau, Conservateur aux Archives Départementales de la Gironde :
Il est à noter que cette lettre adressée à son frère à Montpellier parut dans la presse Girondine sans doute parce que Jeannel, personnalité bordelaise, y était connu et introduit et peut-être aussi parce que « l'indiscrétion » venait de son épouse, femme intelligente et avisée, Jeannel avait demandé que lui fut transmis un message, sans doute imprudent, mais qui confirme, dès le début de Septembre 1870, la valeur du jugement de Jeannel sur les opérations militaires et les hommes qui les décidaient. L'expérience tentée et réussie par le Pharmacien Militaire Jeannel parut suffisamment probante pour que le Général de Division Coffiniere de Nordeck, Gouverneur de la place, décidât de mettre la poste aérostatique à la portée de tous les civils et militaires bloqués dans Metz. Dans ce but, il était nécessaire de l'organiser sur une grande échelle et par conséquent de construire des ballons plus importants, capables de porter un poids plus considérable de correspondance. Et c'est ainsi, qu'aux « Ballons des Pharmaciens » lancés de l'Hôpital Militaire de Metz, succédèrent, à partir du 16 Septembre, les « Ballons de l'Ecole d'Application de l'Artillerie et du Génie ». La presse messine fit une large propagande à leur sujet et l'on pouvait lire dans le « Moniteur de la Moselle » du 22 Septembre : « Les abords du quartier général sont assiégés par la foule de personnes qui veulent poster leur correspondance à la poste aérostatique. Par contre, on voyait hier une araignée tisser sa toile en toute sécurité, à l'ouverture de la boîte de la poste aux lettres ». Mais plus loin, dans le même numéro, on trouve paradoxalement, cette contradiction : « Depuis deux jours, il n'y a plus de ballons, faute de poids suffisant de correspondance. Deux aérostats sont prêts en attendant le chargement ». Mais Oehmke suppose que les lettres ont été retenues quelques jours par l'autorité militaire, par suite d'un désaccord entre Bazaine et Coffiniere de Nordeck. Mais il ne peut s'agir comme il le suggère, de l'incident que nous relatons ci-dessous et qui n'est survenu que le 28 Septembre. Les ballons du « Génie » construits sous la direction du Colonel Goullier pouvaient transporter chacun, outre des pigeons voyageurs, des milliers de « papillons » alors que les ballons de Jeannel ne pouvaient en transporter que quelques dizaines ... ! Par ce nouveau moyen, on estime à cent cinquante mille, les lettres qui furent ainsi acheminées vers l'intérieur. Mais il faut avouer que les ballons du Génie connurent le même sort que ceux de Jeannel. Certains arrivèrent à bon port, d'autres se perdirent avec leur correspondance ; ainsi en arriva-t-il de toutes les lettres que le Général Lapasset adressa à sa famille. D'autres ballons, comme celui du 28 Septembre percés de balles tombèrent, après « steeple-chase » aux mains de cavaliers allemands, ce qui permit au Prince Frédéric Charles, qui ne manquait pas d'humour, de renvoyer à Bazaine, après en avoir souligné en rouge certains passages, des lettres du Général Coffinieres qui critiquait la conduite de son Chef et une lettre clandestine du journaliste Robinson, qui parlait de la situation tragique de la population de Metz. Aussi, Bazaine, qui avait toujours douté de l'utilité de la poste aérienne, qui ne s'en était jamais servi lui-même, et dont les craintes venaient de sic justifier, décida de la supprimer au moment même où le JOURNAL DE METZ du 1er Octobre se félicitait de l'organisation et de la régularité de celle-ci. Et du 3 Octobre jusqu'à la capitulation du 27 Octobre, aucun ballon ne quitta la place de Metz, sauf peut-être des clandestins, lancés par des particuliers dont un au moins a dû partir entre le 23 et le 26 Octobre. Carte CommémorativeCréditsUn grand merci à Alain Fauveau, arrière-arrière petit-fils de Julien-François Jeannel qui m'a transmis de nombreux documents sur son illustre ancêtre, dont le texte de la Conférence de MM. P. FAUVEAU et J. M. ROUILLARD faite à l'Académie de Metz. |