Vendre, Acheter, Echanger
|
|
|
|
|
Notre-Dame de Paris : scène IX
Précédente / Prévious
Livre Deuxième
BESOS PARA GOLPES
...
Dans un vaste espace laissé libre entre la
foule et le feu, une jeune fille dansait.
Si cette jeune fille était un être humain, ou une fée, ou un ange,
c'est ce que Gringoire, tout philosophe sceptique, tout poète ironique qu'il était,
ne put décider dans le premier moment, tant il fut fasciné par cette éblouissante vision.
Elle n'était pas grande, mais elle le semblait, tant sa fine taille
s'élançait hardiment. Elle était brune, mais on devinait que le jour sa peau devait
avoir ce beau reflet doré des andalouses et des romaines. Son petit pied aussi était
andalou, car il était tout ensemble à l'étroit et à l'aise dans sa gracieuse chaussure.
Elle dansait, elle tournait, elle tourbillonnait sur un vieux tapis de Perse, jeté
négligemment sous ses pieds ; et chaque fois qu'en tournoyant sa rayonnante
figure passait devant vous, ses grands yeux noirs vous jetaient un éclair.
Autour d'elle tous les regards étaient fixes, toutes les bouches ouvertes ;
et en effet, tandis qu'elle dansait ainsi, au bourdonnement du tambour de basque que ses
deux bras ronds et purs élevaient au-dessus de sa tête, mince, frêle et vive comme une guêpe,
avec son corsage d'or sans pli, sa robe bariolée qui se gonflait, avec ses épaules nues,
ses jambes fines que sa jupe découvrait par moments, ses cheveux noirs, ses yeux de flamme,
c'était une surnaturelle créature.
- En vérité, pensa Gringoire, c'est une salamandre, c'est une nymphe, c'est une déesse,
c'est une Bacchante du mont Ménaléen !
...
Parmi les mille visages que cette lueur teignait d'écarlate,
il y en avait un qui semblait plus encore que tous les autres
absorbé dans la contemplation de la danseuse. C'était une
figure d'homme, austère, calme et sombre. Cet homme, dont
le costume était caché par la foule qui l'entourait, ne
paraissait pas avoir plus de trente-cinq ans ; cependant il était
chauve ; à peine avait-il aux tempes quelques touffes de
cheveux rares et déjà gris ; son front large et haut commençait
à se creuser de rides ; mais dans ses yeux enfoncés éclatait
une jeunesse extraordinaire, une vie ardente, une passion
profonde. Il les tenait sans cesse attachés sur la bohémienne,
et tandis que la folle jeune fille de seize ans dansait et
voltigeait au plaisir de tous, sa rêverie, à lui, semblait devenir
de plus en plus sombre. De temps en temps un sourire et un
soupir se rencontraient sur ses lèvres, mais le sourire était
plus douloureux que le soupir.
...
Cette mélancolique rêverie l'absorbait de plus en plus, lorqu'un chant bizarre, quoique
plein de douceur, vint brusquement l'en arracher. C'était la jeune égyptienne qui chantait.
Il en était de sa voix comme de sa danse, comme de sa beauté.
C'était indéfinissable et charmant ; quelque chose de pur, de sonore, d'aérien,
d'ailé, pour ainsi dire. C'étaient de continuels épanouissements, des mélodies,
des cadences inattendues, puis des phrases simples semées de notes acérées et sifflantes,
puis des sauts de gammes qui eussent dérouté un rossignol, mais où l'harmonie se retrouvait
toujours, puis de molles ondulations d'octaves qui s'élevaient et s'abaissaient comme le sein
de la jeune chanteuse. Son beau visage suivait avec une mobilité singulière tous les caprices
de sa chanson, depuis l'inspiration la plus échevelée jusqu'à la plus chaste dignité. On eût
dit tantôt une folle, tantôt une reine.
Les paroles qu'elle chantait étaient d'une langue inconnue à Gringoire, et qui paraissait
lui être inconnue à elle-même, tant l'expression qu'elle donnait au chant se rapportait peu au sens
des paroles. Ainsi ces qutre vers dans la bouche étaient d'une gaieté folle :
- Un cofre de gran riqueza
- Hallaron dentro un pilar,
- Dentro del, nuevas banderas
- Con figuras de espantar.
|
 |
|
|