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Luc-Olivier Merson : Lettre à Henri Maréchal (1842-19..)


portrait de luc-olivier merson
Luc-Olivier Merson (1846-1920)
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Oeuvre
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Les timbres de France au type Merson
Les timbres étrangers au type Merson

Lettre citée dans l'ouvrage Lettres et souvenirs 1871-1874, Henri Maréchal.
Editions Hachette, 1920. 300 pages


Rome, 8 septembre 1873.

MON CHER MARÉCHAL,
.... je te dois toujours l'accolade du départ. Ce sera pour le jour où nous nous reverrons; si pour te retrouver, toutefois, il me faut t'aller demander aux ondes rhénanes, aux vagues d'Ostende au aux boulevards de Bruxelles. il y a des chances pour que nous ne nous revoyions pas d'ici longtemps !
Je ne suis pas voyageur, et la moindre des excursions est pour moi toute une affaire. Volontiers, en esprit, je passe les mers; en pensée, je traverse les montagnes; en imagination, je vais jusqu'en Amérique; en rêve, je ne m'arrête qu'au Japon; mais du moment que je sors des projets on des fictions, et qu'en réalité il s'agit pour moi de mettre un pied devant l'autre, alors je n'en suis plus et tout déplacement me devient horripilant.
Ce n'est donc qu'à la dernière extrémité que je me suis décidé à aller respirer pour une huitaine de jours un autre air que celui de ma chambre et contempler un autre horizon que celui de mon atelier. Et comme là, où l'on a éprouvé ses meilleures émotions on aime à retourner, ne fût-ce que pour voir si l'on est émoussé et si l'on sera touché encore, c'est à Assise que je suis allé. Je t'avouerai que j'ai trouvé cette jolie petite ville bien changée. Des troupes, de la garde nationale, des princes romains avec leurs équipages. Ce n'est point ce qui devrait circuler dans ces petites rues si calmes et si pleines de mysticisme ; des peintres partout dans l'église, des modèles posant dans le réfectoire; un imbécile qui, sous prétexte de restaurer les chefs-d'œuvre de Giotto, y substitue les niaiseries de sa brosse : voilà ce que j'ai rencontré dans ce sanctuaire si artistique et qui a besoin de solitude et d'abandon pour parler au coeur. Enfin le piano qui fait danser au casino (car c'est " Casino " que s'appelle aujourd'hui le modeste café de la Place) et la fanfare de la colonie agricole..... sont-ce bien là les accents qui remplaceront jamais le silence que j'étais allé chercher là-bas et que je n'y ai plus retrouvé.
N'empêche; telle qu'elle est, s'acheminant lentement, trop vite encore, vers une transformation qui la mettra à la hauteur des idées et du goût de notre époque de progrès, cette délicieuse petite ville me plaît encore plus que je ne saurais dire. Qui sait si un jour je ne m'y fixerai pas en devenant propriétaire !
Ce n'est vraiment pas la peine de s'en priver. Pour cinq cents francs on a là une maison à deux étages; et l'on nous a fait visiter un palais contenant cent cinquante chambres environ, avec escaliers superbes, balcons, jardins pour quinze mille francs ! C'est ce qu'on trouve de plus cher; dans le meilleur marché, une masure est à vendre pour cinq louis.
Par exemple, ce que je te conseille de visiter quand tu reviendras - car tu reviendras - ce sont les îles du lac de Trasimène. En passant en chemin de fer, tu auras sans doute souvent regardé et admiré, émergeant des eaux calmes du lac, ces rochers à peine couverts de végétation, et bien certainement tu les auras crus inhabités, déserts, abandonnés et placés là seulement parce qu'ils s'arrangeaient. Erreur profonde et qu'il faut aller vérifier. Le charme de la traversée, la découverte (car la chose est vraiment imprévue et inattendue) d'un petit village dont les habitants vivent en dehors du monde, au milieu d'un calme, d'un silence que rien ne, vient jamais troubler, la beauté du pays que l'on embrasse autour de soi, la poésie délicieuse du retour le soir, au soleil couché, tout cela mérite qu'on s'arrête là. Pour moi, j'en suis sorti comme d'un rêve, et les impressions que j'y ai ressenties resteront au meilleur rang.
À Assise j'ai retrouvé notre ami le compositeur X... Vraiment, quand il a posé sa musique dans un coin, c'est un charmant garçon ..... J'ai reçu des lettres à ton sujet : " Où donc est Maréchal ? Qu'est devenu ce diable de Maréchal ? ... " Lafrance ayant encore eu de nouveaux accès de fièvre est parti pour Albano. Le pays est usez mal choisi ; car, s'il est joli, il est tout particulièrement sujet à la malaria. Ajoute à cela que voilà les pluies qui commencent, et tu sais si les premières ondées font sortir la fièvre des coins où elle se cache ! Ce matin, des allées et des buis s'élevait une odeur de pourriture, lourde, épaisse que rendait plus pesante encore un sirocco terrible - c'était de la fièvre palpable ! Quel vilain moment à passer et que tu es donc heureux d'être débarrassé de ces mille précautions qui ne suffisent pas toujours à garantir de ce mal maudit !
Eh oui ! On me commande un Sacré-Coeur de Jésus pour être mis sur une bannière..... en satin blanc, destinée à être portée en procession ! ... Il s'est trouvé une dame, ou une demoiselle, - je n'en sais rien, ne connaissant pas la folle qui m'a écrit - pour me faire savoir qu'en sa ville elle n'a pu, jusqu'à ce jour, trouver aucun peintre (vitrier sans doute) capable d'exprimer la béatitude, l'extase, etc., etc. ; suit une nomenclature de tout ce qu'il y aurait à faire !
Et comme cela ne peut manquer d'être superbe, splendide, rien ne pourra payer une pareille oeuvre ! Rien sur terre; car on me promet des indulgences plénières pour me rémunérer de mes, frais de couleurs et de toile ! On n'est pas plus mystique !
Et puis, comme si cela n'était pas suffisant, voilà un monsieur que j'ai rencontré une fois seulement il y a trois ans, en venant à Rome qui me commande un frontispice pour un livre sur les familles nobles de son département. - Sais-tu ce qu'il m'offre ? Sa reconnaissance !
Quand j'entends dire : " Ah ! Vous autres peintres, vous gagnez beaucoup d'argent " ! Cela me fait monter !... Des indulgences ! De la reconnaissance !. .. Ce serait à marier ensemble ce monsieur et cette dame pour voir quelle progéniture ils seraient susceptibles de mettre au jour ! Quel couple réussi ce serait là ; et qu'il est donc fâcheux que des gens si bien faits pour S'entendre soient inconnus l'un à l'autre !
Dans une huitaine de jours Blanc sera des nôtres. Voilà un bon ami qui revient et j'en suis bien heureux, car, en dehors des conversations amicales et des bons éclats de ire que nous ne manquerons pas de pousser en choeur, je sais d'avance que je rencontrerai auprès de lui d'excellents conseils pour mon travail.
En commençant cette lettre je critiquais fort les voyages, et bien à tort : car il serait injuste de ma part de ne pas reconnaître ce qu'on leur doit. Ainsi, pour moi, après l'absence que j'ai faite, je suis revenu devant ma toile et je suis resté renversé de voir à quel point je me trompais.
Tu sais, entre nous, ce carton sur lequel M. Lenepveu me fit si peu d'éloges? Eh bien ! il n'en méritait aucun, en effet : bien plus, les observations qui m'ont été faites n'étaient que timides auprès de celles que je me suis adressées. Aussi, désormais, je ne veux plus rester confiné dans ma boite, cela me joue de trop vilains tours; cette claustration, bonne peut-être pour composer, est mauvaise à coup sûr, je le vois maintenant, pour exécuter.
L'Académie est veuve encore de bien de ses membres. Table bien restreinte. Vienne la pluie, nous les verrons tous accourir.
Crois-moi toujours ton dévoué ami. Comme ta gaieté nous manque ! Je n'ai plus mon joyeux vis-à-vis de table !
L.-O. MERSON.

Commentaires d'Henri Maréchal


Il est parfaitement inutile d'obéir ici au plan général de ce travail, en présentant au lecteur le signataire de cette jolie lettre. Le peintre Luc Olivier-Merson est aujourd'hui trop universellement connu pour qu'il y ait lieu de s'attarder à une telle puérilité !
Ses lettres, succédant à quelques autres assez semblables, venaient me consoler de bien des tâtonnements, aussi! et me démontraient que je n'étais pas seul à peiner à la recherche de la vérité !
La première semaine de septembre ramena le mauvais temps ; et le mauvais temps à Ostende fait songer à cette amusante réflexion de Victor Hugo : " La colère des femmes est comme la pluie dans la. forêt - elle tombe deux fois ".
A cette première cause de départ vint s'ajouter l'annonce de grands festivals à Spa avec la présence de Joachim Raff.
En un crin d'oeil, comme disait, mon hôtesse, qui n'avait rien d'arabe, ma partition, assez en forme déjà, retourna dans la valise conter ses espérances à mon complet de cérémonie !
Mais les habitudes prises, fortifiées des conseils de la dernière lettre de Rome, me firent prendre la route des " escoliers " avec d'autant plus de raisons que je n'étais pas autre chose.
C'est d'abord à Bruges que je m'arrêtai pour y recueillir la profonde impression d'un art bien différent de celui que je quittais; puis Gand suivit ; Anvers après Gand ; et, saturé de peinture, Van Dyck et Rubens ayant provisoirement écarté Fra Angelico, j'arrivai à Spa tout à fait entraîné pour entendre de la musique anti-italienne.


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Toussaint COPPOLANI
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