M. Luc Olivier Merson a été élu samedi membre de l'Académie des Beaux-Arts, en remplacement de M. Signol. Ses concurrents étaient MM. Carolus Duran, Benjamin Constant, Joseph Bertrand et Maillard.
Le nom de M. Merson est peut-être moins universellement connu que celui des deux premiers peintres contre lesquels il
avait à lutter. Mais, parmi les délicats, il jouit d'une estime pleinement méritée.
Elève de Chassevent et de Pils, il remporta en 1869 le premier grand prix de Rome. Il avait alors vingt-trois ans.
Il n'avait pas attendu sa sortie de l'école des Beaux-Arts pour se produire au Salon. Nous trouvons de lui, sur le catalogue de 1867,
Leucotoé et Anaxandre, qui suivirent en 1868 Penélope, et, en 1869 - l'année de son succès au concours de Rome - Apollon exterminateur.
Au contraire de ce qui se passe habituellement, le séjour à Rome dêtourne M. Merson des sujets mythologiques.
Il fait en 1872 sa rentrée au Salon avec un Saint-Edmond,
roi d'Angleterre. « C'est, écrit alors M. Jules Claretie, de l'art à la fois religieux et héraldique.
Le blason s'y mêle à la piété. » La formule est excellente.
Toutefois, elle va bientôt perdre un de ses termes. |
M. LUC OLIVIER MERSON |
De plus en plus, le peintre tendra au mysticisme. Scènes de la vie religieuse, sujets empruntés aux livres saints, voilà ce
qui le tentera désormais presque uniquement. Le critique que nous venons de citer le constate à propos d'une Vision exposée en 1873.
« Cela semble, écritil, une peinture agrandie de Missel. » Elle vaut à l'auteur une médaille de première classe.
Ces derniers tableaux sont très remarqués. Ils font donner à M. Luc Olivier Merson une série de commandes officielles:
d'abord, un Saint-Michel, modèle d'une tapisserie que les Gobelins doivent exécuter pour la salle des Évêques au Panthéon.
Puis les deux beaux tableaux qui ornent la galerie de la Cour de cassation : Saint-Louis faisant ouvrir les geôles des prisons à son avénement,
et Saint-Louis prononçant malgré les supplications des seigneurs de sa cour la condamnation d'Enguerrand de Coucy (1877).
Les plus récentes et les plus connues des œuvres du nouvel académicien sont Le loup d'Agubbio, le Repos en Egypte,
SaintIsidore laboureur (acquis par l'État),
Saint-François d'assises prêchant aux poissons (1881), Angelo Pittore et le jugement de Pâris (1884), L'arrivée à
Bethléem (1885). - Les pèlerins d'Emmaüs et la danse des fiançailles ( 1886).
M. Luc Olivier Merson, a été, en 1881, décoré dela Légion d'honneur.
La plus caractéristique de ses œuvres, celle aussi qui a été la plus reproduite, est le Repos en
Egypte. On n'a pas oublié
la délicate et presque surnaturelle lumière qui, émanant de l'Enfant divin, rayonne surtout le tableau.
On pourrait lui appliquer le jugement porté par M. Jean Aicard sur le célèbre Siméon de Rembrandt: « Le centre idéal du tableau,
c'est cette lumière qui émane de l'Enfant et qui éclaire la mère.
La lumière, c'est l'expresssion divine de la peinture.. » La scène traditionnelle, tant de fois peinte, a été heureusement renouvelée par M. Merson.
La Vierge est à demi couchée, blottie plutôt entre les pattes d'un grand sphinx accroupi. C'est là une vraie trouvaille de pittoresque ingénieux.
Elles sont fréquentes chez l'auteur du Repos en Egypte, sans porter préjudice, d'ailleurs, au respect, à l'émotion avec lesquels
il aborde ses sujets préférés, les plus hauts qui puissent occuper un artiste. M. Luc Olivier Merson est certainement le plus passionnant
des peintres religieux modernes.
E. DE PRÉMARTIN. |